Au départ de ce livre, il y a deux sœurs, françaises d’origine congolaise et angolaise. Au départ de ce livre, des soirées à rire et à partager sur ce qu’elles ont vécu en famille, à l’école, avec leurs amis, au travail. Pas en tant que pauvres victimes du racisme quotidien, mais plutôt comme observatrice avisées, souvent amusées, parfois courroucées des réactions des uns, des autres et les leurs. Des soirées comme on en a tous avec nos frangins/frangines, amis quand on se remémore le chemin parcouru. Effectivement, nous n’avons pas tous des racines qui viennent d’ailleurs (quoique…), mais n’allez pas croire que ce livre ne s’adresse qu’à une communauté, ou une minorité. Le rire et les liens sont d’autant plus forts si on partage cette culture, mais réellement on prend plaisir à plonger dans leurs anecdotes, gentilles moqueries, généralisations et catégorisations de leurs gestes au quotidien.

J’ai d’autant plus apprécié, qu’il y a une vraie recherche au niveau de la mise en page. Celle-ci joue un rôle aussi important que le contenu, reprenant des codes que l’on connaît tous, pour mieux s’en servir dans l’autodérision et la réflexion : QCM, pyramide de Maslow détournée, proverbes hashtagués, listes, recettes en étapes, règles de base… Une écriture et un style qui captent direct l’attention, que l’on fréquente peu ou trop les réseaux sociaux et les magasines féminins. Et tous les domaines y passent : la famille, le bled, la nourriture, les fêtes, le langage, les sorties, la vie social…

Je retiens aussi leur attachement à leur famille et toute la tendresse et la douceur que l’on sent derrière les tacles à leurs parents, tantes, cousins. Un vrai hommage juste et sans fard de l’éducation qu’elles ont reçus. Et moi de m’y retrouver comme face à mes élèves, travaillant depuis 10 ans dans ces fameux quartiers dits sensibles.

Des jeunes femmes bien dans leurs pompes, qui ne règlent pas leurs comptes mais qui donnent à réfléchir à tout le monde sans exception, avec une verve et un réalisme frappant. Quant au rire, il est universel, alors ne le boudons pas, sous prétexte de faux semblants et d’hypocrisie du bien-pensant.

Je vous laisse avec deux proverbes qui résument bien la finesse, la drôlerie et l’intelligence de ce livre.
« Quand tu danses avec un aveugle, de temps en temps, marche-lui sur les pieds qu’il sache qu’il danse avec quelqu’un. »
« Si tu te tapes la tête contre une cruche et que ça sonne creux, n’en déduis pas forcément que c’est la cruche qui est vide. »

Comment savoir si vous êtes noir de Félicité Kindoki et Espérance Miezi , Editions J’ai lu, mars 2014.