Alexandre Astier est un personnage rare. Rare, parce qu’il y a peu de créateurs maîtrisant autant leurs œuvres, osant  prendre des risques. Rare, parce que présent sur le terrain médiatique. Aussi, quand, comme moi,  on est fan, on est un peu aux aguets à chaque apparition. Et quand cette apparition est un spectacle d’une heure vingt  dans un théâtre parisien, on est dans les startings-blocks pour prendre son billet et être dans la salle. Même si le spectacle est sur Bach et qu’à notre plus grand désespoir, on n’y connait pas grand-chose en musique.


C’est donc un samedi d’avril dans le joli théâtre du Rond-Point qu’à lieu le rendez-vous. Je suis un peu stressée, avouons-le. Peur d’un mauvais spectacle, peur de ne pas rire, peur d’avoir trop attendu. Bref, peur d’être déçue.

La salle Jean Tardieu est toute petite, je suis en haut à droite, à côté d’une allée. Pas de grand devant moi, je vais pouvoir bien voir. Dans la salle, j’ai repéré Joëlle Sevilla (maman du comédien et surtout Dame Séli dans Kaamelott) ainsi qu’Audrey Fleurot (Dame du Lac, d’un roux flamboyant qui me rendra jalouse).

Commence alors le spectacle.  On se retrouve en 1733 à Leipzig. Jean-Sébastien Bach anime une journée portes-ouvertes sur la musique. Nous allons suivre un cours avec le cantor.

En vrai, Bach il était moins avenant.

Si vous avez prévu de voir le spectacle les lignes qui suivent risquent de vous gâcher un peu la surprise, mais pas trop. Vous pouvez sauter jusqu’au point spoiler-free.

Sur scène, trône un énorme clavecin. On devine un tableau noir destiné au cours. Une voix off s’élève, celle d’Alexandre Astier. On le devine écrivant une lettre à Son Altesse Sérénissime le Duc de Saxe (attention cette phrase est probablement une grosse erreur, vu que je ne me souviens plus du titre du monsieur, mais  c’était un grand ponte) pour être dispensé de participer à la journée portes-ouvertes. La lumière s’allume, éclairant alors un tout petit coin, côté cour de la scène. Je me penche un peu pour voir et je manque d’être
décapitée par Jean-Sébastien Bach qui descend du haut de la salle pour aller récupérer sa réponse, qui est bien évidemment négative. Il va donc devoir nous dispenser son cours, à nous, pauvres gens de la plèbe, qui n’y comprenons rien et qui sommes plutôt là pour visiter l’université dans l’espoir de récupérer un peu de déco.

Commence alors le cours, auquel, avouons-le, je n’ai rien bité. C’est le but, hein, mais en même temps ça m’a fichu un coup, je ne suis plus foutue de lire une note. On a même le droit à un petit exercice rythmique à travailler pendant que le cantor nous laisse pour accomplir une obligation personnelle. On quitte alors la salle de classe pour une Eglise qui sera le deuxième tableau du spectacle. Deux lieux unis par la musique. Deux lieux où se produit J-S Bach. Ici, il doit vérifier l’état de santé d’un Orgue.  Il s’agit en réalité de nous présenter le lieu qui prendra une tournure plus sombre  par la suite.

Fin du pur Spoiler.

L’affiche Façon théâtre du Rond-Point

Alexandre Astier nous emmène à travers l’univers de Jean-Sébastien Bach, son génie et sa rigueur qui l’obsède jusqu’à le contraindre à se relever la nuit pour terminer une gamme, ses problèmes de santé auxquels aucun médecin ne trouve de cause, ni de solution, et même sa vie familiale. C’est un Bach tourmenté que nous présente Alexandre Astier.

Les scènes dans l’Église où Bach est passablement éméché en sont particulièrement symptomatiques. Il boit pour essayer d’être plus joyeux, mais c’est plutôt l’inverse qui se produit. C’est le moment révélateur de sa souffrance, le moment de vérité. L’autre moment de pure vérité repose sur une très jolie idée de mise en scène : le noir se fait avec juste une douche de lumière sur Bach qui s’adresse alors directement à nous. Cette rupture du temps pour nous dévoiler les pensées du Cantor nous permet de comprendre un peu plus sa personnalité.

Dans son jeu d’acteur, Alexandre Astier est impeccable. Evidemment il est aidé par un merveilleux texte écrit sur mesure pour lui, par lui. Forcément, il se connait bien et écrit de façon d’autant plus juste. Au niveau de l’écriture, on reconnaît la patte d’Alexandre Astier. L’humour est très présent, parfois absurde et joue sur des ressorts proches de ceux-de Kaamelott, pour notre plus grand plaisir. Les passages plus tristes sont d’une justesse absolue.

Alexandre Astier campe un Jean-Sébastien Bach tout en nuance. Dévoré par ses souffrances qu’il ne comprend pas, pas plus que les médecins, angoissé par la santé de ses enfants, rongé par son amour de la musique.

On retrouve beaucoup de similitudes entre Bach et Arthur. Râleurs, inquiets, obsédés par leur descendance. Alexandre Astier leur a donné un peu de ses propres angoisses. Et c’est parce que ses personnages sont un peu de lui que le ressenti est aussi fort. J’ai ri. Beaucoup et de bon cœur. Pleuré aussi. Deux fois, mais je ne suis pas une référence. J’ai réfléchi aussi et appris. Alexandre Astier s’est inspiré de la vraie vie de Bach pour créer son spectacle. La mort de ses enfants, son état de santé délétère, sa mauvaise vue. Tout ça est vrai. Je suis sortie de la pièce en ayant envie d’écouter du Bach et d’en apprendre plus sur lui.

Oui, il joue même du clavecin. (Photo honteusement volée au Figaro)

La mise en scène de Jean-Christophe Hembert est assez simple et porte pourtant de jolies trouvailles. Comme l’ensemble du spectacle, elle se révèle très intelligente.

C’est le sourire aux lèvres et les yeux humides que j’ai quitté la salle. Que ma joie demeure est vraiment beau spectacle. Les amateurs de musique comme les néophytes seront ravis, notamment d’entendre du Clavecin et de la viole de gambe. Les fans de Kaamelott seront aux anges de voir une pièce dans le même ton que leur série préférée. Les autres seront touchés de voir un spectacle drôle, intelligent, émouvant.


Evidemment j’ai fait ma groupie pour récupérer une petite photo, parce que le monsieur étant si rare, je n’étais pas sûre d’avoir l’occasion de le recroiser et qu’il fallait que je lui dise maladroitement mon admiration. Et le remercier de ne pas nous prendre pour des cons.

Le spectacle est complet ou presque au théâtre du Rond- point (tentez d’appeler le théâtre à 11h pour avoir une place 14 jours plus tard) et quasi complet en province. Mais rassurez-vous un dvd est annoncé, pour que chacun puisse profiter d’un petit bout de ce spectacle chez soi.

Et cette photo là, je l’ai pas volée! La Dame du Lac et le Roi Arthur à nouveau réunis.

Que ma joie demeure – Ecrit et interprété par Alexandre Astier

  • Paris , 5 avril − 13 mai au théâtre du Rond-Point
  • Bourges , 14 − 15 mai à la Maison de la culture
  • La Roche-sur-Yon , 24 mai au Grand R
  • Nice , 26 mai au théâtre de la Cité
  • Lyon , 12 − 16 juin au théâtre de la Croix-Rousse

Une tournée est annoncée en septembre octobre selon Astier and Co