Si l’Opéra Garnier m’était conté…
Visite de monument, dates, histoire… Sexy à mort comme programme ! Nooooooooooon ne fuyez-pas! (de toute façon, j’ai condamné toutes les issues 😉 ). Alors, j’ai testé pour vous (enfin surtout pour moi), et j’approuve avec passion ! Oubliez le guide en costume, les « No pictures, please ! » et la voix monocorde déballant les dimensions et les dates comme une liste de courses.
L’Opéra Garnier a une vraie histoire atypique, extrêmement liée aux bouleversements du XIXème siècle. Il fut commandé à la base en l’honneur de Napoléon III, qui n’y mettra jamais les pieds, l’inauguration officielle ayant lieu en 1875, soit cinq ans après son exil et deux ans après sa mort en Angleterre. C’est ballot : une entrée réservée, un fumoir et son balcon personnel l’attendaient depuis 1861. Mais pas de problèmes, que des solutions ! Ainsi, la fin du chantier reprit après la Commune de 1871, essayant de faire passer la pilule aux Parisiens comme le pouvoir le pu : allez, on n’a qu’à dire que cet Opéra est offert à la ville de Paris et à ses habitants… Camouflage deci delà au passage des symboles impériaux, oui ça faisait désordre. Anecdote : ce n’est qu’en 2004 que les N et les E (Napoléon et Eugénie ou Empereur) de la façade principale ont été enfin dorés. Il y a bel et bien prescription, pas de rébellion en vue, ouf !
Ce qui est surtout intéressant c’est qu’à travers ce bâtiment, on revit toute une époque et les mœurs associées.
Autant vous dire qu’on n’a rien inventé, surtout en matière de réseaux sociaux. Le facebook de l’époque, c’est le grand escalier qui mène à la salle. Il faut voir et être vu, et surtout ne jamais se faire oublier. De même dans la salle, qui resta éclairée lors des représentations jusqu’en 1937. Il faut savoir que les 3/4 des sièges étaient des abonnements, qui se transmettaient de génération en génération. Qu’importe de voir dix fois ou plus le même spectacle, il fallait être là pour ne rien rater des cancans et des intrigues du Grand Monde. C’est une salle à l’Italienne (en fer à cheval) qui assure la meilleure des acoustiques, mais pas la meilleure des vues sur la scène. Mais une fois de plus, ce n’était pas le but. Notre guide est une bonne conteuse, qui nous fait revivre aussi l’entretien des danseuses, filles de la campagne, par les bourgeois et les aristocrates, au foyer des danseuses. Alors, la danse a longtemps été un gros mot : c’est aussi pour ça que l’on retrouve partout la mention Académie de Musique et la date de 1669, année de naissance de celle-ci. Que c’est beau l’hypocrisie d’un lieu où l’on renie le travail soigné des corps, sous prétexte que ce sont des femmes, tout en acceptant, les yeux fermés, le petit manège hommes du monde/danseuses…
Je me suis laissée envoûter aussi par les mythes autour du lieu : le fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux, inspiré d’un soldat trouvé mort dans les sous-sol, sa mystérieuse loge numéro 5 ; le fameux lac souterrain de La Grande vadrouille, qui en fait est un réservoir clos dû à une source ; la mort tragique d’une concierge par la chute d’un contrepoids du lustre : elle était sur le 13ème siège de la 13ème salle dédiée à l’opéra à Paris ; les polémiques du style Napoléon III, fait de bric et de broc ; le concours anonyme remporté par l’illustre inconnu Charles Garnier… Ainsi, la salle dans laquelle je suis assise prend vie et me fascine. Pour un peu, les fresques de Chagall dans la coupole, qui déchaînèrent tant les passions en 1964, danseraient au-dessus de moi, farandole de couleurs vives, tant décriée à l’époque.
Et si la magie du lieu et les histoires vous barbent, reste l’aspect technique et imposant du bâtiment. Il y a deux scènes au monde incliné de 5% pour permettre à chaque figurant d’être visible, même au fond de la « cage scénique ». Ce sont celles des deux Opéras de Paris (Garnier et Bastille). Idée de génie de Charles G, Charly pour les intimes ;). Les salles de répèt sont donc conçues de la même manière. Et pour les corps de ballet invités du monde entier, plusieurs jours d’adaptation sont nécessaires. Bah oui, déjà sur la route, on indique les pentes à partir de 3 % pour la prise de vitesse des camions. Alors, une danseuse bien lancée et pirouettant, vous imaginez ! Sinon, niveau place, on rentre à l’aise l’Arc de Triomphe sur l’espace scénique… Ca, c’est fait !
Reste toutes les autres parties qui composent ce bâtiment biscornu, comme une grosse meringue (je cite la dame, hein 😉 ) avec un coup de cœur particulier pour le « Foyer », grande galerie prévue à l’époque pour se réchauffer à l’entracte. Morte de rire quand je vois les deux cheminées d’apparat sans conduit, aux extrémités… Décidément, le « je-me-la-raconte-déco » n’est pas né avec Valérie D ! Et puis, pour passer le temps, vous aurez droit au petit jeu du« Où est Charles ? ». Pas de pull rouge rayé blanc à l’horizon, mais un bel exercice de dissimulation de l’architecte dans les peintures des plafonds. On pourrait croire que son génie fût reconnu à l’époque et qu’il sortit enfin de l’anonymat. Et pourtant, le brave homme, après des années de dur labeur, dû s’acquitter de la coquette somme de 120 francs pour assister à l’inauguration de son propre bâtiment. La grande classe de la part des organisateurs, je trouve. Je vous laisse ici, espérant que vous franchirez, un jour, le pas. Faites cette visite avec un guide, sinon ce n’est qu’une suite de jolies salles sans âme…Moi, je vais me perdre dans les jeux de miroirs de la Rotonde du Soleil, invitation à imaginer d’autres histoires de ballet…
Crédit photos: Charly 😀
Visite de l’Opéra Garnier
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